Lorsqu’une opération de travaux entraîne des dommages, il est fréquent que les victimes sollicitent la garantie des assureurs des entreprises impliquées dans le chantier. Ces assureurs sont tenus d’indemniser les conséquences pécuniaires de la responsabilité de leurs assurés, en vertu du contrat d’assurance qui les lie (généralement il s’agit de la responsabilité décennale et/ou de la responsabilité civile professionnelle).

La question se pose alors de savoir si le maître d’ouvrage victime doit nécessairement assigner en justice les constructeurs responsables, ou s’il peut agir directement contre les assureurs. La réponse à cette question n’est pas la même selon que la victime est un tiers lésé ou un constructeur co-responsable du dommage.

       1.        Le cas du tiers lésé

Le tiers lésé est celui qui subit un dommage sans avoir participé à l’opération de travaux. Le tiers lésé dispose d’une action directe contre l’assureur de l’entreprise responsable, sans avoir à mettre en cause cette dernière. Cela signifie qu’il peut demander directement à l’assureur de lui verser une indemnité, sans avoir à prouver la faute de l’entreprise assurée.

Cette action directe est prévue par l’article 124-3 du code des assurances, qui dispose que :

« L’assureur qui garantit la responsabilité civile d’une personne autre que l’assuré est tenu de régler à la victime les sommes dues au titre de cette garantie, sauf s’il est établi que le sinistre n’entre pas dans les prévisions du contrat d’assurance. »

Cette disposition a été confirmée par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a jugé que :

« L’action directe de la victime contre l’assureur de responsabilité n’est pas subordonnée à la mise en cause de l’assuré, dès lors que la mise en cause de celui-ci n’est pas indispensable pour statuer sur le principe et l’étendue de sa responsabilité » (Cass., civ. 3ème, 15/05/2022, n° 00-18.541).

       2.        Le cas de l’entreprise co-responsable

L’entreprise co-responsable est celle qui a contribué à la réalisation du dommage. Elle dispose également d’une action en garantie contre l’assureur de l’autre entreprise co-responsable, afin de se faire rembourser la part de responsabilité qui lui incombe.

La question se pose alors de savoir si cette action en garantie est soumise à la même règle que l’action directe du tiers lésé, c’est-à-dire si l’entreprise co-responsable peut agir directement contre l’assureur, sans avoir à assigner l’autre entreprise co-responsable.

La réponse à cette question n’était pas claire jusqu’à récemment, car la jurisprudence de la Cour de cassation était fluctuante sur ce point.

       3.       La solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation a tranché la question par un arrêt du 1er février 2024, qui aligne le régime de l’action en garantie sur celui de l’action directe. La Cour de cassation a ainsi affirmé que :

« Dans la mesure où la mise en cause de l’assuré n’est pas indispensable pour statuer tant sur le principe que sur l’étendue de sa responsabilité, la recevabilité de l’action en garantie dirigée contre un assureur n’est pas subordonnée à la mise en cause de son assuré ». (Cass., civ. 3ème, 01/02/2024, n° 23-10.432)

Cette solution a le mérite de simplifier le contentieux des dommages causés par des travaux, en permettant aux victimes, qu’elles soient tiers lésés ou entreprises co-responsables, d’agir directement contre les assureurs, sans avoir à se soucier de la situation de leurs assurés.

       4.       Conclusion

La Cour de cassation procède à un alignement bienvenu des actions directes à l’encontre des assureurs engagés par un tiers lésé.




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